[Focus] L’inquiétante progression des fourmis invasives

Publié le 1 octobre 2024, par Nicolas Rousseau
La présence des fourmis Tapinoma magnum et Wasmannia auropunctata pose problème en France métropolitaine et pour la première, également en Corse. Leur présence constitue une menace pour la biodiversité et le bien-être des habitants.
Deux espèces de fourmis élargissent actuellement leur aire de répartition sur le territoire métropolitain. Espèce d’origine méditerranéenne, Tapinoma magnum est désormais présente en Occitanie. Son installation en France date du début des années 2000. Vingt ans plus tard, elle semble avoir colonisé une partie du territoire. Mesurant trois millimètres environ, particulièrement résistante, elle s’adapte à différentes températures, même si elle a besoin de chaleur pour s’implanter et se développer). Sa capacité à survivre dans des terrains nus, aux sols sableux ou aérés – elle apprécie tout particulièrement le broyat-, montre une adaptabilité élevée, ce qui favorise sa progression au-delà des régions méditerranéennes.
Supercolonies
Cette fourmi se distingue notamment par sa capacité à former des supercolonies, ce qui lui permet de s’étendre rapidement dans de nouveaux environnements. Son mode de vie diffère de celui des fourmis locales, dont les colonies s’attaquent mutuellement. Tapinoma magnum possède plusieurs reines, rendant son élimination complexe. Tant dans les jardins que dans les maisons, « sa présence pose de nombreux problèmes », souligne Luc Gomel, ingénieur agronome et conservateur du patrimoine scientifique et naturel, spécialiste des fourmis « pénibles ». Sa morsure est particulièrement douloureuse. Pour Luc Gomel, « les prestataires 3D vont être confrontés de manière croissante aux problématiques causées par l’expansion de Tapinoma magnum ».
« Fourmi électrique »
Aussi appelée fourmi électrique, Wasmania auropunctata, pour sa part est dotée d’un dard. Elle doit son nom à la vive sensation de brûlure et aux démangeaisons qui suivent sa piqûre. Jaune orangé et mesurant environ 1,5 mm, elle est originaire d’Amérique centrale et du Sud. Classée espèce exotique envahissante (EEE) préoccupante pour l’Union européenne, sa présence a été détectée pour la première fois en France, à Toulon, en 2021, et un deuxième foyer a été identifié à La Croix-Valmer, dans le Var également. La fourmi électrique vit en colonie de plusieurs millions d’individus. « Plusieurs milliers de reines peuvent cohabiter au sein d’une même colonie », précise Luc Gomel. Cette colonie occupe un territoire bien plus vaste que ceux des fourmis locales.
Interconnexion
Les nids peuvent être interconnectés, sans agressivité entre les millions d’ouvrières. Ils sont généralement installés dans le sol ou dans des cavités d’arbres ou artificielles. Wasmannia auropunctata peut facilement déplacer sa colonie en cas de perturbation et être facilement transportée avec des plantes ou des déchets verts. Opportuniste et polyphage, elle consomme notamment des invertébrés, ainsi que les graines et miellats recueillis sur des pucerons ou des cochenilles. « Plutôt présente dans des climats tropicaux et humides, Wasmannia auropunctata est capable de s’installer en régions méditerranéennes, malgré l’hiver et des périodes de sécheresse défavorables », constate Luc Gomel.
Plan d’éradication
La menace est donc sérieuse. Pourtant, la définition d’un plan d’éradication a été tardive, notamment pour des questions de financement. À ce stade, juge Luc Gomel, « l’éradication est encore envisageable. Cela dit, il ne faut pas attendre davantage. A défaut, l’expansion risque de devenir incontrôlable. » Une solution développée en Australie est mise en œuvre pour tenter de venir à bout de l’envahisseur. « Il s’agit d’un appât solide spécifique qui renferme un toxique, l’Hydramethylnon, commercialisé initialement sous le nom Amdro. C’est la seule solution éprouvée contre la fourmi électrique. » Il est doté d’un effet retard primordial. En effet, l’utilisation d’insecticides à action de contact en surface de la zone infestée ne serait pas suffisamment efficace. « Il est impératif de parvenir à éliminer les reines. Pour ce faire, il est nécessaire que les récolteuses ramènent l’appât au sein du nid et par l’effet retard contamine l’ensemble de la colonie », conclut Luc Gomel.
Retrouvez notre dossier consacré à la fourmi électrique dans N&Pi n° 136, daté août-septembre 2024.